En bref – Maslow n’est pas à l’origine de la pyramide de Maslow.
Dans la version longue :
Du temps de mes études en psychologie, j’ai assez vite cherché à lire les psychologues humanistes pour compléter ma formation – à l’époque (années 2000), c’était d’ailleurs pas si facile que ça de se procurer les livres, il fallait souvent les commander et les lire en anglais. Parce qu’en France, à cette époque, c’était psychanalyse à tous les repas, et un peu de psychologie comportementale et cognitive – mais pour en dire du mal. Aujourd’hui, c’est plus varié heureusement.
J’ai eu un plaisir particulier à lire Maslow, qui présentait une vision de l’homme et de la psychologie très différente – il parlait d’ailleurs de la psychologie humaniste comme third force. Bref, je vous le recommande (lui et le collègue Rogers).
Ces lectures en tête, je suis déçu de ce qu’il reste de ses travaux dans la culture psychologique contemporaine, et j’ai à cœur de rappeler aussi souvent que nécessaire le fait suivant : Maslow n’est pas à l’origine de la pyramide de Maslow. Parce qu’en gros le pauvre Maslow est réduit à un objet dont il n’est même pas l’auteur.
Cette fameuse pyramide est être une opérationnalisation réductrice de ses travaux, opérée par d’autres personnes (a priori, des consultants). Lui tenait un discours autre.
Parce que bon, dirent que “la pyramide de Maslow c’est rigide en fait l’être humain est plus complexe et j’ai vu un gars dans mon dernier boulot qui préférait avoir un beau smartphone que bien manger donc ça montre bien que c’est pas si simple” – bref vous voyez l’idée – bah ça montre juste que vous avez pas lu l’auteur en question. Et c’est dommage, surtout si vous êtes psychologue.
Le papier habituellement cité – sans être lu, ça va de soit – (consultable ici) est le suivant :
Maslow, A. (1943). A theory of human motivation. Psychological Review, 50, p. 370–396.
Si on le lit, on constate plusieurs choses.
- Premier constat – il n’y a pas de notion de pyramide, ni citée (le mot n’apparaît même pas…), ni dessinée (c’est facile à constater, même sans lire) ;
- Second constat – il parle de hiérarchie, postulant que les besoins ne viennent pas en vrac et que l’ordre de leurs satisfactions obéit sûrement à des règles complexes, dynamiques et souvent remaniées.
- Troisème constat – le discours tenu est bien plus souple : “We have spoken so far as if this hierarchy were a fixed order but actually it is not nearly as rigid as we may have implied.”
- Quatrième constat – c’est une formulation d’hypothèses sur la mécanique interne des besoins et non une théorie présentée comme éprouvée.
Mais alors que dit-il dans cet article ?
Dans ce papier, Maslow propose une ébauche théorique sur la base de son expérience clinique (“The present paper is an attempt to formulate a positive theory of motivation which will satisfy these theoretical demands and at the same time conform to the known facts, clinical and observational as well as experimental. It derives most directly, however, from clinical experience.”). Une proposition qui doit être validée – ou non – par la recherche « (“The present theory then must be considered to be a suggested program or framework for future research and must stand or fall”). Pour le dire avec les mots de la psychologie expé : ce sont des hypothèses à confirmer ou infirmer par le biais de la recherche.
Bref. Lisez. Et peut-être envisagez les changements suivants :
Méfiez-vous des citations de citations.