La restructuration cognitive en métaphore

La restructuration cognitive comme kiné des pensées

Dans les thérapies comportementales et cognitives, on utilise la restructuration cognitive. L’objectif est d’intervenir sur les cognitions, ce qui passe par une capacité à observer ses pensées (de la métacognition) pour ensuite avoir une influence sur elles – ou simplement, qu’elles aient moins d’influence sur nous.

C’est nébuleux ? Ça peut se comprendre, c’est pourquoi j’ai plutôt recours aux métaphores pour l’expliquer quand je présente un plan thérapeutique.

J’aime bien celle de la kinésithérapie. La plupart des personnes que je reçois ont déjà été chez le kiné.

La restructuration cognitive, c’est comme une kiné des pensées. Quand on va chez le kiné, on présente généralement une limitation dans la capacité à se mouvoir – c’est d’ailleurs l’étymologie du nom. On présente une articulation un peu raide, qui plie mal. Ça fait un moment que c’est comme ça. Ça s’explique, on s’est blessé il y a longtemps, on le sait. On a pris l’habitude de laisser tranquille cette articulation, de ne pas la solliciter, de compenser, mais en fait on se rend compte que c’est pire : on perd progressivement en mobilité, et les autres parties du corps commencent à souffrir de la compensation. Tout notre corps est contaminé par cette raideur – mais pendant longtemps on le questionnait pas, ça semblait logique et normal -, et on en est arrivé à prendre des décisions dans la vie sur la base de ce qu’elle nous autorise à faire ou non.

A la première séance, on déprime un peu : le physiothérapeute fait son bilan, évalue la limitation – on est bien limité tout de même, c’est la claque – et nous fait faire les premiers exercices de rééducation. Ils sont frustrants et douloureux : c’est dur à faire, pas naturel, ça fait mal, et on doute de récupérer ne serait-ce qu’un peu. On se dit que c’est bien joli de nous demander de faire ces mouvements, mais on voit bien qu’on y arrive pas. On résiste même un peu : et si je me faisais mal, ou aggravait ma douleur ? En plus, on se dit que le kiné a pas l’air de bien saisir : évidemment que ça plie mal, on s’est blessé !

Pire, on nous avertit : il va falloir pratiquer régulièrement à la maison aussi. Parce qu’assouplir et rétablir le mouvement une fois par semaine ne suffira pas.

Heureusement on est déterminé. Et puis notre famille en a marre de nous voir nous plaindre. En étant assidu, on découvre qu’effectivement, progressivement, on reprend un peu en souplesse. En confiance aussi. L’articulation gagne en mobilité. On se surprend même à recommencer à faire des choses qu’on aurait auparavant refusé, de peur d’être gêné par notre articulation. On ne récupère pas nécessairement la pleine mobilité de son enfance, on a encore tendance à avoir de mauvaises gestes, mais dans l’ensemble on voit bien qu’on est un peu plus libre de notre articulation : elle plie un peu mieux et on se rend compte qu’on peut effectivement l’assouplir – même si c’est parfois inconfortable.

La restructuration cognitive, c’est un peu pareil : on veut rendre de la flexibilité aux pensées et être un peu plus libre vis-à-vis d’elles. Certains processus de pensées sont raides ou biaisés : ils nous amènent toujours dans la même direction, ou ne plient que dans une direction. Bien sûr, ça ne sort pas de nulle part, souvent ça s’explique. Mais n’empêche que ça ne plie pas comme ça devrait, voire ça ne plie plus du tout.

– “Si je vois toujours le mauvais côté des choses, c’est parce que la vie ne m’a pas fait de cadeaux !”

– “Oui, oui, bien sûr, c’est évident, je n’en doute pas. C’est parfaitement logique avec votre histoire de vie. D’ailleurs, vous avez vu, du coup votre pensée ne plie plus que dans un sens : elle ne voit plus que ce qui pourrait mal se passer, jamais les bons côtés. C’est drôlement arbitraire. Ça vous convient, vous, de perdre en champ de vision ?”

Car il ne faut pas rêver : une pensée raide, ça dessert dans la vie.

– “Mais du coup, si vous n’envisagez pas une autre option, ça va vous porter préjudice dans cette situation non ?”

– “Bah oui, mais je suis comme ça moi, on ne me changera pas : sur ce sujet, c’est toujours la même réponse.”

– “Oui, vous me l’aviez expliqué. Donc là si je comprends bien, même si c’est une situation différente, vous ne changerez pas d’avis, et ça va vous mettre dans la merde c’est ça ?”

– “Oui. Mais c’est pas envisageable pour moi de faire autrement.”

Il existe plein de façons de ne pas plier pour une pensée (toujours voir le négatif ; penser en noir et blanc, de façon binaire, sans nuances ; avoir du mal à envisager une autre opinion que la sienne ; etc.). La TCC vise à redonner plus de liberté de mouvement à ces pensées et les assouplissant.

On appelle ça la flexibilité psychologique – qui est un très bon pronostic pour la santé mentale.

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