Méfiez-vous des citations de citations…
Abraham Maslow est un psychologue de la psychologie humaniste. Il est célèbre et paradoxalement ses travaux sont globalement méconnus. Ça me chagrine.
Tous les étudiants de psychologie se sont vus enseigner la fameuse “pyramide de Maslow”. Enseignement assorti de critique à base de « : “oui mais il arrive que les personnes ne satisfassent pas leurs besoins dans cet ordre, donc le modèle est erroné : prenez Untel, il a acheté un téléviseur et contracté un crédit à la consommation alors qu’il a du mal à payer le loyer”.
Malheureusement… Maslow n’est pas à l’origine de la pyramide qui porte son nom.
C’est dommage hein ? D’autant qu’il serait en désaccord avec cette fameuse pyramide. Il dit même un peu l’inverse. De toute façon, il n’y a pas de pyramide dans ses articles et livres (il n’y a même pas le mot !). Doublement dommage.
Je peux pas juste dire ça et vous laisser comme ça. Il dit quoi du coup ? En gros, pour situer, il postule que pour comprendre ce qui motive un comportement, il faut questionner le besoin sous-jacent : ce qui est important c’est pas tant ce qu’on fait que les besoins que l’on cherche à satisfaire. Il fait aussi l’hypothèse qu’ils ne se présentent pas “en vrac” dans le fonctionnement habituel : il doit y avoir des principes qui régissent leurs interactions et l’ordre de leurs satisfactions (ou frustrations). En un mot : une organisation.
Bref, quelque chose de souple et dynamique, qui reste à investiguer. Il le dit lui même :
“we have spoken so far as if this hierarchy were a fixed order but actually it is not nearly as rigid as we may have implied.”
Tout ça découle de ses observations en pratique clinique. Mais il est carré intellectuellement et sait qu’il faut aussi que la recherche puisse éprouver ce qui ne sont que des hypothèses.
“The present paper is an attempt to formulate a positive theory of motivation which will satisfy these theoretical demands and at the same time conform to the known facts, clinical and observational as well as experimental. It derives most directly, however, from clinical experience.”
Et qu’il est possible qu’il se trompe, mais ça arrive et c’est ok :
“the present theory then must be considered to be a suggested program or framework for future research and must stand or fall”
Bref, et c’est tout mon regret : on est passé d’un écrit prudent ; de qualité ; qui formule des hypothèses fondées sur des observations ; qui souligne l’importance de les confirmer ou infirmer par le biais de la recherche – de la bonne psychologie – à un modèle simpliste et rigide – de la psychologie qui se vend bien.
Pitié : ne perpétuez plus ce raccourci.
Une conclusion à tout ça ? Aujourd’hui, on n’utilise plus trop le paradigme des besoins, c’est dommage, même si c’est vrai que sa validité laisse à désirer. Plus généralement, à mon humble avis, cette pyramide ne sert à rien dans une pratique de psychologue. Par contre, réfléchir aux besoins sous-tendant les conduites observées/rapportées, ça c’est pas un mauvais élan, c’est parfois même plutôt riche. On est pas loin des analyses fonctionnelles en TCC.
(la source habituellement citée : Maslow, A. (1943). A theory of human motivation. Psychological Review, 50, p. 370–396. »)